Chemin de la Régordane, 18-29 juillet 2023

 

Après avoir parcouru le chemin de Stevenson en 2021, j'ai été intrigué par un message sur un forum qui disait en substance : "Tout le monde fait le Stevenson mais la Régordane est tout aussi magnifique et beaucoup moins fréquentée." Ayant désormais fait les deux, je peux témoigner de la véracité de cette affirmation : je n'ai croisé aucun randonneur sur le chemin de la Régordane, et quoique différent sous plusieurs aspects, il est aussi varié que le Stevenson ! Les seuls randonneurs que j'ai rencontrés l'ont été sur les premiers tronçons partagés avec le chemin de Stevenson, notamment à Pradelle, Langogne, Luc, et La Bastide.

 

Appelé aussi "Chemin de Saint-Gilles", la Régordane est un ancien chemin de pèlerinage qui relie le Puy-en-Velay à Saint-Gilles-du-Gard. Il est long de 240 kilomètres et traverse les départements de la Haute-Loire, de Lozère, de l'Ardèche, et du Gard. Le chemin est aussi répertorié comme GR, le GR700, balisé rouge et blanc. Il offre des paysages bucoliques, des villages pittoresques...

 

La plupart des randonneurs préfèrent éviter l'été et explorer la Régordane au printemps et en automne. Et pour cause, les dernières étapes dans le Gard après Alès peuvent être éprouvantes en raison de la chaleur estivale. En ce qui me concerne, les températures ont été supportables, tournant autour de 30°C, grâce à une brise bienfaisante.

 

Ci-dessous, compte-rendu de ma randonnée sur la Régordane...



La Cathédrale
La Cathédrale

J0 - 18/07 : Bruxelles - Le Puy-en-Velay

 

Le voyage commence avec un petit contretemps : annonce d'un retard de 15 minutes au départ du TGV à Bruxelles. Heureusement, le train finit par démarrer. Direction Lyon, puis TER vers Saint-Étienne et enfin Le Puy-en-Velay.

 

Est-ce le voyage ou les 36 degrés de chaleur ambiante qui m'accablent, mais en arrivant dans mon charmant Airbnb au cœur de Puy-en-Velay, après une douche bienfaisante, je m'affale sur le lit pour une sieste imprévisible... de 2 heures. En me réveillant, je me sens encore plus épuisé qu'avant de m'endormir... Je dois rassembler mes forces pour m'extraire du lit. Une douche rafraîchissante me permet de retrouver un peu d'énergie.

 

Je visite la majestueuse cathédrale et savoure un délicieux repas en terrasse d'un restaurant choisi au hasard. Il doit être 20h00 quand je regagne mon studio. Peut-être l'effet de deux verres de vin blanc y est-il pour quelque chose, mais je sens que je pourrais sombrer dans les bras de Morphée à tout moment. Malgré l'heure précoce, seulement 20h30, la visite nocturne de la ville que j'avais envisagée s'envole en fumée... Une bonne douche froide me remet légèrement sur pieds, et je m'endors finalement sous les cris stridents des martinets survolant la vieille ville...

 


J1 - 19/07 : Le Puy-en-Velay - Costaros (20 km)

 

Le départ matinal est fixé à 7h, à l'heure où la boulangerie ouvre ses portes. J'engouffre un petit pain au chocolat et embarque un pain qui devrait me nourrir durant quelques jours. Une fois mon sac à dos solidement ajusté, je retrouve instantanément le plaisir de la marche, même si quitter la ville n'est jamais très agréable. Partir tôt le matin offre l'avantage d'une fraîcheur agréable, mais dès 9h, la température commence à grimper. Heureusement, le soleil est en grande partie voilé aujourd'hui, et un doux vent frais vient adoucir ma progression. Je suis sans doute le premier randonneur ce matin, car je me prends toutes les toiles d'araignées qui jonchent le chemin.

 

J'arrive à Costaros vers 12h45, après 5h30 de marche. Cette petite localité traversée par une nationale n'a aucun charme et est plutôt bruyante. Heureusement, j'ai pris la décision de ne pas chercher d'hébergement ici. Je décide de ne pas m'arrêter au premier restaurant en bord de route, et je vous recommande chaudement le "Bar du Marché" situé sur le GR, qui propose un menu entrée - plat - dessert à seulement 16€.

 

Mon objectif pour ce soir est de bivouaquer près de l'étang du Pechay que j'ai repéré sur carte à la sortie de la localité. Il est à peine 14h30 lorsque j'arrive sur place, je laisse mon sac devant la cabane d'observation des oiseaux pour explorer les environs. Finalement, je trouve un coin de prairie ombragée par un majestueux frêne, offrant une vue imprenable sur le lac, qui me séduit immédiatement. L'étang se trouve dans un ancien cratère rempli d'eau appelé "maar" et qui abrite quelques oiseaux tels que le bruant ortolan, le goéland argenté, le râle d'eau et le héron cendré. Aujourd'hui, je n'ai croisé aucun autre randonneur. Probablement sont-ils tous sur le chemin de Stevenson, plus fréquenté depuis la sortie du film "Antoinette dans les Cévennes" en 2020. Mais ce soir, je savoure cette solitude bienvenue au cœur de la nature...

 

L'étang du Pechay
L'étang du Pechay

Entre Landos et La Mouteyre
Entre Landos et La Mouteyre

J2 - 20/07 : Costaros - Langogne (27 km)

 

Ce matin, je me lève tôt et démarre ma journée de marche vers 6h15. Sur le chemin, je croise un villageois qui confirme que le restaurant d'hier était le meilleur plan à Costaros. Après une brève discussion d'un quart d'heure, je reprends ma route. Ma première étape est Landos, où je me prends un café et deux petits pains au même café où j'avais pris mon petit déjeuner il y a 2 ans. Un des clients du bar me semble familier, je lui dis "on s'est déjà vu quelque part"... En effet, c'est le patron du restaurant de la veille à Costaros qui insiste pour m'offrir un café.

 

Plus loin, dans mon élan ou mes pensées, je manque la marque du GR avant le village de La Mouteyre mais mon GPS me renseigne à la sortie du village l'ancien tracé du chemin de la Régordane. Toujours pas âme de randonneur qui vive à l'horizon... Très pittoresque au début, je retombe plus loin sur le chemin de Stevenson que j'avais parcouru il y a 2 ans. 

 

J'arrive à Pradelles vers midi. Direction le restaurant "La Renaissance", le même qu'il y a 2 ans, en retrait de la nationale 88. Ensuite, j'hésite sur la suite du parcours. Deux options s'offrent à moi : aller au camping de Pradelles mais il est situé sous la N88 bruyante, ou continuer et traverser Langogne, une ville plutôt peu attrayante et bruyante, pour chercher un terrain de bivouac quelques kilomètres après la ville. Cela signifierait environ 10 km de plus.

 

Finalement, c'est une troisième option qui s'impose à moi. Lorsque je me remets en route vers 13h30 en direction de Langogne, au bord du chemin un tuyau de remplissage des citernes... m'invite à prendre rapidement une douche en surveillant qu'aucun randonneur ne survienne sur le chemin, et j'en profite ensuite pour faire une sieste à l'ombre d'un arbre. Mais le soleil tourne, chassant l'ombre et me poussant à me remettre en route. C'est alors que je réalise que je n'ai plus mes bâtons de marche, je les ai oubliés au restaurant. Je dois donc faire demi-tour pour les récupérer. L'énergie me manque ensuite et c'est ainsi que je termine finalement la journée au Camping "La Cigale de l'Allier" à Langogne (12,50 € / nuit). Un endroit calme, fréquenté principalement par des personnes âgées au tempérament peu agité...

 


Le village de Luc
Le village de Luc

J3 - 21/07 : Langogne - Luc (16 km)

Partir sans mon sac de couchage était une mauvaise idée ! J'étais trop confiant après la période de canicule des jours précédents... Les deux premières nuits passées m'ont contraint à ajouter des couches de vêtements pour me tenir chaud. Aujourd'hui, c'est décidé, je me rends à l'Intermarché de Langogne pour acheter ce que je trouverai. Ce sera un plaid, la seule option disponible en magasin ! En attendant l'ouverture de l'Inter, je me dirige vers la boulangerie pour prendre un petit déjeuner, puis je m'installe dans un petit café avec mon journal "L'Obs" qui m'accompagnera ces prochains jours...

Mon attention est attirée par les folles poursuites et les cris d'une vingtaine de martinets alpins dans la vieille ville. Apparemment, ces oiseaux supersoniques ont établi leur nid dans l'un des bâtiments le long du Langouyrou qui traverse la ville.

La journée s'annonce comme une petite étape de 16 km, que je prends plutôt relax. Le chemin passe par l'étang de l'Auradou, dont j'ai gardé un excellent souvenir il y a 2 ans. C'est une magnifique tourbière survolée par de nombreuses libellules. Après un pique-nique sur une avancée au milieu de l'étang, j'installe mon hamac au bord du chemin et me détends en lisant toute l'après-midi... Vers 15h30, je reprends la route en direction de Luc. Je décide de retourner boire un verre sur la terrasse du gîte en haut du village, là où j'avais eu l'occasion de discuter avec le fils du patron passionné de photographies animalières il y a 2 ans. Le père, lui, est un passionné de champignons des bois, comme en témoigne la décoration des murs. Il me fourgue gratos un pain au levain que le boulanger lui a donné à offrir aux randonneurs.

 

Ma nuit, je la passerai à l'aire naturelle de camping "Les Galets" en bord d'Allier. En bas du village, j'aperçois un nouveau magasin, "Au Coin de Luc", qui n'était pas là il y a 2 ans. Il offre un peu de tout, bien placé en bordure de route et pratique dans ce bled un peu perdu. J'y croise une randonneuse bretonne avec qui j'échange quelques mots, et je la retrouverai au camping plus tard.

Encore une fois, je ne croise personne sur la Régordane ! Les seuls randonneurs que j'aperçois sont ceux qui font le chemin de Stevenson. Et encore, ils sont bien moins nombreux qu'en 2021, alors en période Covid, où les chemins de randonnée étaient plus fréquentés.


J4 - 22/07 : Luc - La Bastide (via Notre-Dame-des-Neiges, 15 km)

 

La nuit fut fraîche et humide, et ma tente, repliée trempée, séchera en cours de route à l'heure du pique-nique. Malheureusement, j'ai mal calculé l'étape, me mélangeant les pinceaux entre l'ancien tracé du chemin, plus long, et le nouveau, ce qui signifie que l'étape jusqu'à La Bastide, où j'ai réservé une place en gîte, ne fait finalement que 10 km. Pour pallier cette courte distance, je décide de rallonger volontairement l'étape en empruntant le parcours du Stevenson qui grimpe vers l'abbaye de Notre-Dame des Neiges, également un hébergement pour les randonneurs du Stevenson. En chemin, je reconnais à peine cette portion que j'avais empruntée il y a deux ans. Le tracé du chemin aurait-il changé ? En tout cas, il ne m'a pas beaucoup marqué... car je me rends compte en fin de journée que je n'ai pris aucune photo.

 

Arrivé vers 13h00 à La Bastide, j'ai du temps devant moi car le gîte n'ouvre qu'à 15h30. Pour patienter, je me prends une bière au bar-magasin du village où je retrouve la randonneuse bretonne ainsi qu'un autre randonneur aux pieds en piteux état après avoir ressorti, me dit-il, ses chaussures de rando inutilisées depuis 6 ans.

 

En attendant l'ouverture du gîte "L'étoile" (65 €, demi-pension), j'installe mon hamac dans le parc derrière l'église pour une sieste bien méritée. À 16h00, je suis accueilli au gîte par le responsable, un belge de Watermael-Boitsfort (ma commune bruxelloise de jeunesse) qui a flashé pour la bâtisse, il y a 32 ans, alors qu'il traversait la France à cheval. Il n'a pas perdu son accent du nord...

 

Le dîner est servi à 19h30, et nous sommes nombreux autour de la grande tablée, une grosse quinzaine de personnes au total. À côté de moi, un couple et deux amies randonneuses avec qui je sympathise rapidement. Elles travaillent toutes trois dans le médico-social et nous discutons de randonnée, des bienfaits d'un ralentissement nécessaire mais aussi des méfaits de la technocratie sur leurs conditions de travail de plus en plus difficiles et déshumanisées...


Vue sur le Lac de Villefort
Vue sur le Lac de Villefort

J5 - 23/07 : La Bastide - Villefort (23 km)

Mon réveil sonne à 6h45, quinze minutes avant le petit-déjeuner. J'ai du mal à émerger ce matin, mais le pain frais maison, les confitures et le café me donnent les forces nécessaires pour affronter les 24 km qui me séparent de Villefort. Le chemin est parfois marqué par d'anciennes drailles taillées dans la roche par le passage des roues d'anciens chariots. Étrangement, le calme règne autour de moi, pas un oiseau en vue ni en chant, seulement les omniprésentes cigales. En cours de route, je remarque des croix qui rappellent aux randonneurs le caractère sacré du chemin de pèlerinage.

Absorbé par la beauté du chemin, j'en oublie momentanément le balisage rouge et blanc. Perdu dans mes pensées, je suis les marques jaunes et j'atterris au hameau de Le Rachas, au bord d'un très joli petit lac de barrage. C'est l'heure de la pause pique-nique et, tant qu'à être "perdu", j'en profite pour faire un rapide plongeon. Rebrousser chemin ne me semble pas être une option, et une fois encore mon GPS me sauve et me renseigne un itinéraire alternatif en suivant la D906 puis une ancienne départementale jusqu'au hameau d'Albespeyre. De là, je pourrai retrouver le chemin de la Régordane vers La Garde Guérin. Je m'octroie une pause bien méritée dans ce village médiéval dont je fais le tour et déguste à l'ombre d'un parasol une bière régionale au Comptoir de la Régordane, un charmant bar-magasin proposant des produits du terroir et de l'artisanat local. Là, je fais la rencontre de deux personnes avec qui je partage des discussions sur la randonnée et mon expérience du GR10, qu'ils prévoient de parcourir en tronçons le mois prochain.

Je dois toutefois quitter ce lieu agréable car il me reste encore 6 km à parcourir avant d'atteindre Villefort. Le sentier descendant offre une vue magnifique sur le lac de Villefort. La ville en elle-même n'a peut-être pas énormément de charme, mais elle dispose de toutes les commodités nécessaires. Avant de rejoindre mon gîte-camping "Les Sédanies", je m'accorde une pause en savourant un panaché sur l'une des terrasses du village.

Pour 34,50 €, j'ai le privilège de bénéficier d'une chambre individuelle digne d'un hôtel. Le patron est jovial et sympathique, et il réussit à me convaincre de prendre le petit-déjeuner (compris dans le prix) à 8h alors que je prévoyais de partir aux petites heures. Ce gîte-camping est vraiment une excellente adresse sur le chemin !

Après une douche revigorante, je me dirige vers la piscine, mais finalement je choisis de ne pas y plonger. Je préfère m'installer sur la terrasse en surplomb de la piscine et m'octroie une assiette bien achalandée de charcuterie comme repas du soir.

Je fais la connaissance de Patrick, un vélocipédiste avec qui je discute avec intérêt. Lorsque j'en arrive à parler de mon vélo Brompton... ses yeux pétillent et dit qu'il travaille au "Brompton Junction" de Paris. Et, bien entendu, nous échangeons des anecdotes sur ces vélos low tech qui nous fascinent tous les deux.


Le Luech, à Chamborigaud
Le Luech, à Chamborigaud

J6 - 24/07 : Villefort - Chamborigaud (21 km)

Cette nuit, l'orage a grondé, apportant une légère pluie de courte durée. En me levant, le ciel gris. C'est parfait car je descends encore en altitude vers Chamborigaud, situé à environ 300 m d'altitude et je crains la montée des températures. La journée ne laissera pas un souvenir impérissable, car je suis confronté à beaucoup de macadam, surtout qu'après être sorti du superbe village de Vielvic, des marques GR m'ont amené, je ne sais dire comment, sur l'ancien tracé du GR, comme me l'a confirmé un habitant du hameau Le Gas où j'ai atterri. Je ne sais pas si c'est parce que je ne suis pas assez attentif ou si c'est parce que je suis trop confiant dans le fait que mon GPS pourra toujours me sortir de toutes les situations...

Aujourd'hui, on sent une transition vers une forêt qui embaume la garrigue, avec ses pins et ses chênes verts... Et les cigales qui cymbalisent à timbales déployées.

Les mas et les anciennes magnaneries témoignent du fait que nous sommes bien passés dans une autre région : le Gard.

Étrangement, aucun bar n'est ouvert lorsque j'arrive à Chamborigaud vers 15h00. Je décide donc de me diriger vers le camping "La Châtaigneraie", situé en bordure de la rivière La Luech, qui fait le bonheur des enfants... et le mien également. Je profite d'une petite baignade dans une eau à bonne température. L'accueil au camping est très chaleureux et le prix raisonnable : 6,20 € par nuit /personne /tente.

Il faudra que j'attende jusqu'à 19h00 pour trouver un restaurant ouvert. Je consulte les cartes des trois restaurants en bord de route et finalement, je choisis celui de l'avenue qui propose un plat du jour à 18 €. Le repas est assez correct.

De retour au camping, un groupe de jeunes campeurs est en train de créer une ambiance particulière avec des vocalises acapella. Mais vers minuit, je devrai néanmoins leur demander de mettre une sourdine à leurs riches discussions. Ah, ces jeunes qui semblent penser être seuls au monde...;-)


J7 - 25/07 : Chamborigaud - Alès (33 km)

 

Je me lève à 6h00 et démarre ma journée de marche à 6h30. Direction la boulangerie. 7h00, je démarre pour de bon. Les premiers kilomètres sont encore marqués par le macadam, mais heureusement, le chemin passe devant de beaux mas réaménagés, ce qui rend la marche plus intéressante. Le soleil reste timide derrière les nuages, offrant une agréable fraîcheur pendant la marche.

 

À 8h40, j'arrive à Portes connu pour son château. Le bar-restaurant "Le Relais du Château", est ouvert. Un café crème, s'il vous plaît !

 

Le chemin continue entre bitume et sentiers. Sur une section, j'admire des œuvres d'art tout le long du chemin jusqu'au Pontil. L’œuvre d'une artiste philosophe, me dis-je... Pas du tout. Je découvre dans le village une boîte aux lettres avec les explications : il s'agit des œuvres d'enfants de l'école et un carnet invite les randonneurs à laisser leurs impressions. Je m'y plie bien volontiers.

 

Au lieu-dit Les Cabasses (altitude 358 m), juste avant la traversée d'une zone de carrières, un panneau indique qu'Alès n'est plus qu'à 15 km. Il est midi, je dois donc être à mi-parcours. Le vent se lève par rafales, je crains la pluie, mais finalement, elle ne tombera pas. Le soleil, qui est généralement écrasant à cette saison, est aujourd'hui absent du ciel, ce qui me ravit pour accomplir mes 33 km. Il ne fait son apparition qu'en fin de randonnée, lorsque j'arrive à Alès.

 

Direction mon Airbnb déniché la veille en catastrophe pour remplacer la réservation que j'avais précédemment faite dans le centre d'Alès, mieux située, mais qui s'est révélée être probablement une arnaque. Une fois arrivé, ma priorité est de prendre une douche, et enfin, me reposer dans le jardin. Je discute quelque peu avec mon Superhôte airbnb, et j'ingurgite les quelques fruits et yaourts achetés en chemin. Ce soir, je vais me coucher tôt, repos bien mérité !

 


Le Gard(on) à Moussac
Le Gard(on) à Moussac

J8 - 26/07 : Alès - Moussac (25 km)

Je veux voir à quoi ressemble le centre d'Alès avant de rejoindre la Régordane. Résultat : je n'ai pas envie de m'y attarder. La sortie de la ville, ensuite, s'avère longue et peu intéressante, avec une grande portion de bitume ou de macadam, que j'estime à environ 70% du trajet de la journée. Aujourd'hui, je ressens de la saturation et je suis dans un état d'esprit plutôt sombre. J'ai hâte d'arriver à destination. Heureusement, il y a quelques compensations : je traverse quelques villages splendides, le plus beau étant celui de Vézénobres. Initialement, je prévoyais de m'arrêter du côté de Ners, mais finalement je décide de continuer jusqu'à Moussac, un autre joli village en bord du Gard, où je pourrai m'approvisionner et espérer trouver un coin de bivouac proche de la rivière... si tant est qu'il y ait de l'eau, ce que doute une personne âgée avec qui je discute à la sortie du village de Saint-Hilaire.

Contrairement à toute attente, il y aura bien de l'eau dans le fleuve, mais la couleur ne m'apparait pas suffisamment attrayante pour que je m'y plonge. La chaleur présente tout au long de la journée reste supportable autour de 29 degrés, mais je n'ose imaginer la même étape sous 35°C, voire plus... Les sentiers de la garrigue sont ponctués de petits trous : je reconnais les trous d'émergence des larves de cigales. Les exuvies (les anciennes peaux de cigales) ne sont jamais loin.

Après quelques courses à Moussac, je profite d'un repos bien mérité dans le parc voisin où je remplis mes bidons d'eau en prévision de mon bivouac du soir que je dois encore trouver. Je traverse le Gard sur un petit pont et prospecte le long du fleuve pour trouver un endroit adéquat pour accueillir ma tente. La chance est avec moi : à seulement 200 mètres du pont, je découvre un camping-car installé à l'arrière du terrain de football. Les occupants m'apprennent que c'est une zone libre et gratuite pour les camping-cars répertoriée sur l'appli "park4night", et ils m'invitent à m'y installer. Ce soir, pas de télévision, mais, vautré dans mon hamac, j'assiste à l'entraînement des joueurs de foot. Les cris des faucons hobereaux harcelant des milans noirs et la silhouette probable d'un castor complètent agréablement la soirée jusqu'à ce que mes yeux se ferment pour la nuit...


Paysage de vignoble
Paysage de vignoble

J9 - 27/07 : Moussac - Russan /Sainte-Anastasie (15 km)

Aujourd'hui, la chaleur s'annonce écrasante avec 31°C, soit 4 degrés de plus que la veille... Le léger chorus matinal du bruant zizi, du loriot et du faucon hobereau me réveille peu avant 6h00. Le temps d'émerger et de replier ma tente, une heure a passé et je me mets en route. Ma première destination est la boulangerie de Moussac qui, je le découvre, offre les meilleures fougasses de la région. Christophe, le boulanger, d'origine espagnole, est lauréat d'un concours pour sa fougasse aux olives. En témoigne une photo accrochée sur un des murs. Je ne peux résister à cette spécialité, et je prends également quelques viennoiseries pour le petit-déjeuner, que je savoure au bar voisin tenu par une hispano-colombienne. Quand je retourne acheter du pain, Christophe me dit avec fierté : "Non, pas du pain, de l'excellence !". Car, ici, tout est fait maison avec amour, rien à voir avec les dépôts de pain industriels ailleurs. Les clients affluent autant pour le pain que pour bavarder avec cet homme jovial, joyeux et affable.

Christophe connaît bien aussi la pratique de la marche et tout le bénéfice qu'elle procure. À quoi pense-t-on en marchant ? Il rejoint les réflexions de ma journée d'hier : ça va dans tous les sens, on pense à tout et à rien, à des choses positives mais aussi à des choses qui nous remuent. La marche nous interroge...

Après 1h30 de marche, je m'arrête à Saint-Chaptes pour une pause. Aujourd'hui, c'est jour de marché. Au lieu d'aller au SPAR local comme je l'envisageais, je me laisse tenter par le marché pour mon repas du soir. Quelques tomates, fruits et une caillette agrémenteront mon repas du soir.

Assis à la terrasse du café, j'observe et écoute les gens autour de moi. Si j'ai préféré les paysages des 6 premières étapes, ici, on ressent davantage de vie. Les gens se saluent, rient, plaisantent... Un contraste saisissant.

Mais il est temps de reprendre le chemin vers Russan, à moins de 10 km de marche. La chaleur commence à m'accabler mais la nature m'offre des observations de rollier et de circaète, deux oiseaux de la garrigue. J'aperçois avec joie les panneaux indiquant "Gîte des Figourières", ma destination du jour. Il est à peine 14h00 quand j'arrive. La douche attendra. Je dépose mon sac et repars aussitôt crapahuter sur un autre GR à la sortie du village. Il mène à une plateforme qui surplombe les gorges du Gardon. À cette saison, la rivière est à sec, ce qui est tout à fait normal semble-t-il, car son cours est souterrain sur plusieurs kilomètres dans cette partie.

 

Deux heures plus tard, je suis de retour au gîte. Je prends le temps de me doucher, de faire une petite lessive, et je m'accorde une bière revigorante sur la terrasse du gîte. Mais un peu avant 20h00, je dois battre en retraite : les tigres (moustiques), reconnaissables à leurs pattes rayées de noir et de blanc, se mettent en chasse. Leur proie c'est moi ! Aussi , je me réfugie à l'intérieur... En me couchant, j'entends un bzzz... Mince, je suis fait ! C'est là qu'on regrette les nuits sous tente hermétique...

Les Gorges du Gardon
Les Gorges du Gardon

Le Pacha à deux queues (Charaxes jasius)
Le Pacha à deux queues (Charaxes jasius)

J10 - 28/07 : Russan / Sainte-Anastasie - Nîmes (25 km)

Aujourd'hui, 33°C sont annoncés, soit 2 degrés de plus qu'hier... C'est ma dernière journée de randonnée. Je n'ai pas prévu de faire la dernière étape vers Saint-Gilles, destination finale de la Régordane.

Une pluie nocturne peu abondante a néanmoins créé une atmosphère tropicale ce matin. Les cigales stridulent bruyamment et les parfums des cistes accompagnent ma marche matinale.

À La Calmette, je suis accosté par un vieux monsieur. Il offre à tous les randonneurs des bouteilles d'eau congelée sorties tout droit de son congélateur. Il suffit d'y rajouter de l'eau en cours de journée pour avoir en permanence de l'eau fraiche dans sa bouteille. Quelle bonne idée, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?


Vers 13h30, j'arrive dans la partie haute de Nîmes. Une aubette de bus affiche l'horaire. Je constate qu'un bus doit passer dans quelques minutes, ce que me confirme une jeune fille qui vient d'arriver. Sans (trop) hésiter, je le prends pour éviter de parcourir les 6 ou 7 de kilomètres de macadam qu'il me reste. En pensant aux pèlerins des siècles passés, je me dis qu'ils n'auraient pas hésité à monter sur une charrette à foin passant par là pour éviter, comme moi, quelques kilomètres sans grand intérêt. Alors, pourquoi hésiterais-je ? ;-)

À 16h30, j'arrive à la Maison diocésaine de Nîmes où j'ai réservé une "chambre de pèlerin" (15 €) et un repas du soir (13 €). C'est une bonne adresse, propre et calme, avec son cloître reposant et aéré...

Mon périple se termine ici. Demain 29/07, je prends le TGV de retour vers Bruxelles. Cette randonnée m'aura offert des paysages variés, quelques belles rencontres inoubliables et des questionnements personnels. La Régordane, quoique peu fréquentée, est une belle découverte, un de ces sentiers chargés d'histoire...



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